D’amour et de rage

Mathieu Farcy

  • RÉSIDENCE DE CRÉATION

06/03 - 23/07/2023

Givors

Résidence de 8 semaines
du 06 au 12 mars
du 16 au 22 avril
du 15 au 25 mai
du 10 au 23 juillet

Edition

Résidence soutenue par le Ministère de la Culture dans le cadre du dispositif Capsule.

Avec le soutien du gîte Un olivier dans les étoiles.

En 2023, Stimultania invitait l’artiste photographe Mathieu Farcy pour sa résidence de création 5 étoiles à Givors. Au fil de ses séjours réguliers, en prenant le temps de la rencontre, le temps du lien, Mathieu Farcy a travaillé avec une dizaine d’habitants. Ils ont réalisé ensemble des œuvres collectives, des photographies qui racontent ce qui fait refuge pour eux. “Ensemble, nous avons imaginé ces œuvres comme des résistances, des actes d’affirmation de soi, des refuges pour les histoires qui dorment au fond de nos ventres. Des images comme des manifestes poétiques.”

Imaginez l’Artiste. Il est assis à son bureau. Tôt ce matin, il a emmené les filles à l’école. Aujourd’hui, il attend la réponse d’un appel à projets, prépare son intervention en prison, retouche des photographies pour une prochaine exposition en Suisse. Il devra bientôt finaliser sa sélection pour la Grande Commande. Il note une chose dans son carnet. Il a reçu une invitation, hier, pour une résidence de deux mois sur un territoire qu’il ne connait pas. Sept heures de train avec les correspondances. Il faudra qu’il pense à en parler à la femme aux abeilles. Ce soir. (…)
Fermez les yeux. Ouvrez-les. L’Artiste descend maintenant sur le quai avec ses sacs à dos. Il reçoit des clefs. Nous sommes dimanche, la ville est encore pleine de son marché mais elle se vide lentement et lui laisse un goût amer de solitude. Il peine à trouver de quoi dîner. Le lendemain, quand il a retrouvé son sourire doux, il décide de marcher, il va dans chaque rue, chaque parking, chaque kebab. Il veut parler, il veut qu’on lui parle.

Il est venu dans cette ville avec des mots dans la bouche les corps pliés, les corps dépliés. Ça l’intéresse vraiment de savoir. Mais Ben boit son verre de sirop et Carlos sa Super Bock.
Qu’est-ce qu’il fait là, l’Artiste ? Du trottoir, sur les chaises en plastique décolorées, on peut trouver la situation cocasse. C’est bien une idée farfelue, ça, de partir deux mois pour parler avec les gens de leur corps, de leurs entraves et de leurs refuges. C’est bien une idée d’artiste. Mais Mathieu (car il s’appelle Mathieu cet homme, ce père, mais il aurait aussi pu s’appeler Melania, Dorian ou Joseph), Mathieu rencontre des gens qui lui racontent, qui ont envie d’aller avec lui, de faire quelque chose. Cinq, six, puis dix personnes, c’est magique. Ils font des images, construisent une cabane dans la nuit du feu d’artifice, se montrent, racontent ; ils crient aussi. Ce sont nos frères, nos mères, nos fils et nos filles. L’œuvre est là, elle gonfle, elle soupire, elle parle, elle résiste. Elle a toute sa place.

Céline Duval

Inspiré par la lecture de Vivre avec le trouble de Donna Haraway, Mathieu Farcy nomme le projet “D’amour et de rage”, porté par ces interrogations : Comment vivre avec le trouble qui souvent percute nos vies ? Comment déployer sa puissance et sa tendresse dans un monde qui est nourri d’angoisses, de peur du lendemain, de solitude ?

Quelques mois plus tard, après une première restitution estivale à Givors, nous sommes heureux d’accompagner le projet éditorial de Mathieu Farcy. Le livre garde la trace de ce qui a été créé, vécu ensemble et permet de faire circuler la production. À l’occasion de cette publication, Stimultania organise une rencontre avec Mathieu Farcy chez le Collectif Item (Lyon), en présence de la journaliste Brigitte Patient. Un temps privilégié pour échanger avec le photographe sur le déroulement de sa résidence, sa manière de travailler, de créer une œuvre collective, de “faire avec”.


Mathieu Farcy, né en 1985, vit à Marvejols. Photographe après avoir été éducateur spécialisé, Mathieu Farcy place la question de la «  disqualification sociale  » au centre de son travail. L’intérêt qu’il porte à la parole et à la place d’autrui dans la société n’a cessé de traverser sa pratique photographique. Ses différents travaux s’inscrivent dans une réflexion autour de ce qu’il nomme des “documentaires horizontaux”, dans lesquels il implique les participants et les considère comme tout autant responsables de la création que lui. Circulation(s) festival de la jeune photographie européenne 2019

Après l’avoir abordée au travers de deux projets : un reportage avec les ouvriers en réinsertion de l’usine Le Relais, dans la Somme et un documentaire vidéo sur les ouvriers de Goodyear à Amiens, il réalise un projet au long cours autour du lien entre le visage et l’identité. D’abord la série « Chers à canons », sur les visages défigurés de survivants de la première guerre mondiale puis une collaboration avec des patients atteints au visage par le cancer, en reconstruction (physique et mentale).


À l’occasion de la sortie du livre “d’amour et de rage” en novembre 2023 qui marque la fin de résidence de Mathieu Farcy, la journaliste Brigitte Patient se rend à Givors pour récolter le témoignage de co-créateurs impliqués. En 5 épisodes, retrouvez les voix de Mathieu Farcy, Filipe, Yamina, Amélie et Medhi.