Nebula Liger / Un fleuve à soi

BENOIT PINERO

  • Exposition

06.10.2023 - 13.01.2024

  • Strasbourg

ENTRÉE LIBRE

MERCREDI – SAMEDI

14H – 18H30

Dossier de presse

Programme d’expositions soutenu par le ministère de la Culture (Direction régionale des affaires culturelles Grand Est), de la Région Grand Est, de la Ville et Eurométropole de Strasbourg.

Avec la complicité d’Hubert Jégat, auteur, metteur en scène et bricoleur (Créatures compagnie)

Projet accueilli en résidence par le POLAU-pôle Arts & Urbanisme

Soutenu par la Région Centre-Val de Loire et la Ville de Tours

Nebula Liger / Un fleuve à soi est un parcours sensible qui entreprend de mettre le visiteur en mouvement. Les vastes panoramas de Loire, le fleuve qui traverse la ville où l’artiste réside, sont considérés comme l’expression même de l’idée de nature sauvage et pittoresque, une évocation sublimée d’une nature essentialisée, présumée extérieure à l’humain.

Nous sortons tôt ce matin. Benoit lace ses chaussures – de bonnes chaussures qu’il a choisi de s’offrir la semaine dernière. Comme je connais ces levers forcés, je peux imaginer le sac à dos prêt dans l’entrée et le silence. Et, avec un peu de chance ce matin, l’odeur du café. Nous sommes sur les bords de la Loire. Nous sommes en 2020 – ou avant – et le brouillard ne se lèvera pas. Benoit part pour faire l’image. Pas celle de Beckett, non, il travaille sur le paysage et veut l’image sujet, l’image essai, il veut dans le même temps la poésie et le manifeste. Il note, réfléchit et lit beaucoup.
Dans la maquette du livre Un fleuve à soi qu’il me présente fin 2020, Benoit Pinero consigne les données techniques de ses explorations : « L’arbre est à peine visible sur l’écran : un nuancier de pixels gris plomb, perle, orage et grège. » Puis : « Le métal froid du boitier est collé à ma joue .» « J’abaisse un peu la vitesse d’obturation. Je cadre en réglant le zoom à 50 mm, puis à 70 mm et 100 mm. »

Il parle aussi de moules perlières, de truites et de saumons. J’aime beaucoup cette maquette, alors même si la forme de l’exposition n’a pas encore été pensée, si elle n’existe pour le moment qu’à l’état d’une petite tentation, je signe notre engagement et sa carte blanche : il a trois années pour faire entrer le visiteur dans le paysage.
Ce temps lui permet d’épuiser son sujet, de lire encore, de jouer avec l’espace et le médium photographique. Il fait appel à un metteur en scène car il sent que le théâtre et les dispositifs scéniques lui permettront d’aller jusqu’au bout de son expérience.
« Les tableaux sont nés de la nécessité de trouver un groupe d’acteurs capables d’évoluer avec aisance et de se mouvoir sans contrainte. » disait Mark Rothko. Benoit veut les chaussures de marche, l’eau du fleuve et le brouillard. Tout est là à présent c’est fait il a fait l’image.

Céline Duval

voix et montage : Florence Croizier

Nebula Liger / Un fleuve à soi est le récit d’un apprentissage du fleuve au travers d’explorations qui ont conduit Benoit Pinero à connaître intimement sa topographie, ses îles, ses berges, ses sédiments, sa flore et sa faune. Ses cheminements réguliers et hasardeux ont rompu la distance entre regardeur et regardé ; l’artiste dit être « entré en paysage ». Dans l’exposition immersive, le visiteur-arpenteur est volontairement désorienté, il est invité à déposer son héritage de regardeur, à changer de point de vue et à cheminer lui aussi à travers l’espace.

Nebula Liger / Un fleuve à soi © Benoit Pinero

« Un fleuve à soi est une enquête hasardeuse, hésitante, par, avec et dans le brouillard. Loin d’être une entité neutre, ce dernier est ici investi d’une réelle puissance d’agir.

Nous avons tous fait l’expérience de la façon dont ce météore insaisissable modifie notre perception. En troublant la vue, atténuant les sons et masquant les repères, il nous déstabilise, détourne notre regard, lui impose l’invisible. En cela, il nous conduit à renoncer à une part de nos habitudes, de notre héritage culturel d’espèce regardeuse.

Le brouillard serait une forme d’orthèse, une béquille visuelle pour ré-apprendre à voir, à re-connaître, à re-composer une connaissance sensible de ceux qui nous entourent. Considérer chaque élément pour ce qu’il est, et tenter de comprendre en quoi il nous importe.

En ouvrant un espace-temps autre, le brouillard nous force à être et agir en « terrestres ». Le ciel, écran de nos imaginaires, de nos fantasmes d’évasion, disparaît. La masse nébuleuse collée au sol bouche notre horizon, annihile toute perspective, elle nous ramène au sol.

Nous n’avons d’autre choix que d’entrer en paysage, d’arpenter, de rôder à ras de terre, de baisser les yeux pour considérer ce que nous ne prenons jamais la peine de voir, de prendre garde à l’obstacle invisible, de humer les exhalaisons fumantes, de sentir le poids minéral de la terre sous nos pieds, la charge de nos pas alourdis par des paquets de brume collante.

Peu à peu, pas à pas, un monde s’ouvre, s’offre à nos sens aiguisés, révélant sa composition complexe et élémentaire.

(…) La Loire, le fleuve qui traverse la ville où je réside, est la médiatrice et l’opérateur d’une transformation profonde de mon rapport à l’espace et au vivant, dans mon environnement quotidien. »

Benoit Pinero


Chercheur, photographe-auteur et opérateur culturel, Benoit Pinero allie les arts et les sciences, la connaissance et la création, pour imaginer des expériences en prise avec les grands enjeux sociaux et politiques contemporains.

La rencontre avec Bruno Latour et son équipe au sein du programme d’expérimentation en arts politiques – Speap/Sciences Po – a été le point de départ d’une démarche hybride où s’articulent les outils de l’enquête de terrain, les principes de l’auto-description et des recherches formelles. Benoit intègre la photographie dans toutes ses pratiques, que ce soit pour documenter une enquête, poser un regard critique ou décrire un état sensible du monde. Il croit dans la capacité du récit photographique à changer nos représentations, en faveur d’une plus grande attention aux êtres et aux choses qui nous entourent.


POUR ALLER PLUS LOIN


En lien avec l’exposition, participez à un concours photo organisé en partenariat avec Wipplay sur le thème du brouillard !