Rencontre publique avec Alain Willaume
L’ensemble de la série sera publié en 2026 aux éditions de l’Atelier EXB.
L’exposition est portée par Stimultania à Strasbourg, co-produite avec l’Hôtel Fontfreyde à Clermont-Ferrand, Lumière d’Encre à Céret, le Carré d’Art à Chartres de Bretagne et le musée Nicéphore Niépce à Chalon-sur-Saône, présentée dans le cadre du programme post-résidence de la Villa Kujoyama, avec le soutien de l’Institut français, de l’Institut français du Japon et de la Fondation Bettencourt Schueller. Avec le soutien technique de Fujifilm France.
Commissariat : Céline Duval.
Exposition présentée à Lumière d’Encre à Céret au printemps 2027. À l’Hôtel de Fontfreyde à Clermont-Ferrand à l’automne 2027. Au Carré d’art à Chartres de Bretagne au printemps 2028.
Membre du collectif Tendance Floue, Alain Willaume développe, aux marges des courants dominants du documentaire, une œuvre faite d’images énigmatiques qui font récit de la tension et de la vulnérabilité du monde et des humains qui l’habitent.
Durant sa résidence à la Villa Kujoyama à Kyoto, il a confronté aux lumières de l’hiver japonais les incertaines notions de wabi et de sabi. Soleil caché, la série photographique née de ce séjour, dessine le territoire d’un XXIe siècle vacillant et parcourt les méandres fiévreux d’un Japon “sans soleil”. Ce travail sur la béance et la beauté, ponctué de silhouettes énigmatiques, est nourri du tremblement des certitudes, dans les ondes d’une mystérieuse puissance tellurique.
L’ensemble de la sérié sera publié en 2026 par l’Atelier EXB et fera l’objet d’une exposition itinérante au sein du Réseau Diagonal, pilotée par le pôle de photographie Stimultania (Strasbourg) et avec le soutien technique du Musée Nicéphore Niépce (Chalon-sur-Saône). Un intriguant boro d’enfant, acquis sur un marché aux puces de Kyoto, accompagnera les expositions.

NUL SOLEIL. MAIS LE FEU est le fruit du travail qu’Alain Willaume a entrepris durant l’hiver 2024 au cours de sa résidence à la Villa Kujoyama à Kyoto.
Construit autour d’un énigmatique et poignante veste d’enfant, NUL SOLEIL. MAIS LE FEU est composé de paysages marqués de failles et de secousses, ponctué de silhouettes énigmatiques – oracles ? vigies ? rescapés ?
Ce Winterreise cerne, dans les méandres d’un Japon crépusculaire, le territoire d’un XXIe siècle vacillant. Aux marges d’un territoire mental mais indubitablement réel, c’est dans les plis des basses lumières d’hiver que guette le vacillement des certitudes. Ce travail sur la béance se nourrit des ondes brouillées d’une puissance tellurique porteuse de désastres et de mythes millénaires.
Fruit d’une collecte d’indices, de mirages et de faits, le portrait-robot d’un pays-gouffre surgit de l’ombre, de la beauté et du matériau informe de la réalité. Cette suite d’images, montée telle un film imaginaire, s’éveille à l’existence de notions indicibles, lointaines et pourtant familières telles ce petit boro dont la puissance trouble et l’extrême fragilité évoquent dans un même élan le froid, la catastrophe et le dénuement les plus extrêmes mais également l’amour porté par des générations de mères repriseuses qui ont ainsi su préserver un peu de réconfort pour leur enfant.
Parti à la poursuite d’une chimère insaisissable (la représentation photographique des concepts de wabi et de sabi) Alain Willaume dresse à l’arrivée le portrait mélancolique d’un pays âpre et en proie aux secousses telluriques et aux incessants vacillements des certitudes.
Entre énigmes, fulgurances ou sentiment de catastrophe, les images de NUL SOLEIL. MAIS LE FEU esquissent un atlas d’incertitudes qui ouvre une béance en écho à l’immatérialité wabi-sabi. Les récents tremblements de la terre qui ont lieu au Japon durant le séjour du photographe semblent avoir affecté la « peau » même de ces images et ravivé le sentiment de vulnérabilité que les aveuglements de l’Anthropocène tentent encore de masquer… L’ombre inquiète du monde à venir demeure et la perspective wabi-sabi nous engage à nous confronter au paradoxe de la beauté de l’imperfection. L’œuvre du photographe est sciemment habitée d’ambiguïtés sémantiques, de glissements de forme et de sens et d’imperfections formelles. Cette conscience de la distance avec la réalité et son attrait pour l’ombre pourraient peut-être résumer à la fois son approche artistique et expliquer son attirance vers cette « zone floue » propice au questionnement, qui n’entrave pas la connaissance mais au contraire l’élargit.



NUL SOLEIL. MAIS LE FEU, 2024 © Alain Willaume / Collectif Tendance Flou
1 le terme boro (litt. guenille en japonais) désigne originellement une pièce de tissu ou un vêtement très usé et rapiécé, parfois sur plusieurs générations, par les paysans pauvres de la préfecture d’Aomori. Cette “tradition”, autrefois symbole d’extrême misère, a été redécouverte dans les années 60 par l’ethnologue Chuzaburo Tanaka qui entreprit de les collectionner.
2 wabi-sabi sont des termes japonais désignant un concept esthétique, ou une disposition spirituelle, dérivé de principes bouddhistes zen, ainsi que du taoïsme. Ils revêtent deux significations que l’on pourrait simplifier ainsi : wabi (l’altération par le temps, la décrépitude des êtres et des choses, la patine des objets, le goût pour les choses usées, etc.) et sabi (solitude, simplicité, mélancolie, nature, tristesse, dissymétrie…). Wabi fait référence à la sensation face aux choses dans lesquelles on peut déceler le travail du temps ou des hommes et sabi à la modestie que l’on peut éprouver face aux phénomènes naturels.
Alain Willaume, né en1956, est un photographe auteur indépendant, membre du collectif Tendance Floue depuis 2010. Sa démarche artistique s’apparente à une “cartographie personnelle” façonnée par ses longs voyages, notamment en Inde où il s’est rendu dès 1979 et y a vécu de 1999 à 2003. Profondément hantée par le réel, son œuvre interroge la violence et la vulnérabilité du monde et des êtres qui l’habitent. Il ne considère pas la fiction comme opposée à la réalité, mais comme une modalité alternative — combinaison d’engagement et de mystère — dont la force tient dans la sobriété et l’intensité taciturne de ses images.