Je suis une phrase qui avance

Benoît de Carpentier, Fabienne Swiatly et douze hommes incarcérés

  • CRÉATION ARTISTES / PUBLICS

21/10 - 31/10/2019

Villefranche-sur-Saône

Je suis une phrase qui avance © Benoît de Carpentier et les participants

Photographies et textes réalisés par Adolphe Bronson, Alex, Ali, El Hadj, Emmanuel, Fernand Fabulet, Fero, Gwé, Marc, Mohamed, Ramos, Sabri C.

Intention artistique pensée et menée par Fabienne Swiatly, écrivaine, et Benoît de Carpentier, photographe.

Temps de création mené sur 2x3 jours consécutifs en octobre 2019.

Avec Camille Javelle, coordinatrice en charge des projets culturels, SPIP de la maison d’arrêt de
Villefranche-Sur-Saône.

À la maison d’arrêt de Villefranche-sur-Saône (69).

Restitution le 24 février 2020.

Intervention portée par Stimultania Pôle de photographie.

Soutenue par la DRAC et la Région Auvergne-Rhône-Alpes, le SPIP de la maison d’arrêt de Villefranche-sur-Saône, dans le cadre du programme Culture/Justice.

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Pour son premier partenariat avec la maison d’arrêt de Villefranche-sur-Saône, Stimultania invite Fabienne Swiatly, écrivaine, et Benoît de Carpentier, photographe, à créer une œuvre avec des hommes en détention.

Les deux artistes se connaissent, ils ont déjà travaillé ensemble, en 2017, à la maison d’arrêt de Lyon-Corbas, réalisant J’étais loin de m’attendre avec dix hommes. Stimultania souhaite les confronter de nouveau à ce contexte particulier, d’une part pour voir une nouvelle œuvre émerger de ce duo fructueux, de l’autre parce qu’avoir une première expérience en prison permettra, peut-être, d’en faciliter l’approche. Même si l’on sait que l’aléatoire reste de mise et les conditions de travail difficiles. « On ne s’habitue pas » dira Fabienne.

Leur projet s’est d’abord construit dans un tourbillon d’échanges : il a été question de refuge, de pli et de repli, de beauté, de mue, de sacré, de flou, de voir et de non voir, de mouvement.

Considérer l’acte de Voir comme n’allant pas de soi. C’est-à-dire proposer de renoncer à l’habitude perceptuelle suivante : Voir ne serait qu’une affaire de nerfs optiques. L’idée serait d’explorer le Voir sans les yeux en prenant appui sur d’autres canaux, d’autres sens. Photographier les yeux fermés, prendre d’autres points de références pour déclencher, travailler le flou, etc.” Benoît de Carpentier

« Un atelier où il sera question de fermer les yeux pour mieux voir. De chercher la lumière du dedans. D’inventer des paysages intérieurs. Derrière mes paupières tout un monde. Écrire les yeux fermés, une manière de voir plus loin ? Un atelier pour fixer sur le papier avec des mots et des images, avec de l’écriture et de la photographie, avec du dedans et du dehors. Avec des ombres et de la lumière. » Fabienne Swiatly

Puis, en novembre 2019, arrive le temps de création.
Les dispositifs sont pensés, le matériel enregistré et autorisé à pénétrer les lieux. Cartes d’identité, passages des portiques, installation dans la salle dédiée, tout semble en ordre. Là, les hommes font leur apparition. Au début, ça tangue. Certains sont là sans savoir pourquoi, les autres vont et viennent. Toujours cette surprise : autant de mouvance dans ce lieu qu’on apparente tellement à la rigidité. Mais, très vite, un noyau se solidifie et s’implique comme rarement. Des hommes d’âges différents qui vont former, avec les artistes, un groupe compact et complice. Chacun se laissera embarquer dans des aventures photographiques et littéraires : qui acceptera de se coucher au sol entouré d’un cercle vaudou surplombé d’un lion géant, qui jouera aux échecs avec des pierres blanches et des lunettes anti-UV sur le nez, qui montera sur la table pour clamer ou soufflera sur une plume. Les mots se fabriquent en même temps que les images – des phrases qui avancent, honnêtes, sincères, parfois fragiles.

Le temps passe vite. Deux fois trois jours, ce n’est pas grand chose pour créer, expérimenter, se tromper. Mais la matière est là. Elle sera retravaillée par les deux artistes dans le mois qui suit l’intervention puis transmise à l’équipe de Stimultania qui viendra apporter son regard extérieur et mettre son grain de sel graphique. Résultat : un livre de 124 pages qui rend aussi bien compte de l’expérience (Fabienne écrira un journal sur l’intervention) que des productions finales : textes écrits par les hommes, photographies réalisées en collectif. Il y a aussi les à-côtés comme cette séquence d’images floues montrant les coulisses de l’atelier cyanotype où tout le groupe (ils étaient une bonne dizaine ce jour-là) s’est retrouvé contraint de travailler toute la journée dans une salle de douze mètres carrés.

Fabienne Swiatly et Benoît de Carpentier ont cette belle capacité à s’approcher des gens et à les emmener dans des endroits qu’ils ne soupçonnaient pas. Face à eux, il y avait des hommes ouverts et impliqués, qui n’ont pas hésité à se laisser guider et à donner.

« Cette intervention fut pour moi assez nouvelle : j’ai la sensation de l’avoir abordée un peu différemment, d’une manière plus sensorielle et avec un grand désir d’intensité de partage dans la relation avec les hommes détenus. Qu’il y ait du vécu et de l’écoute autant que possible dans les moments de prises de vues. Cela m’a demandé de lâcher un peu le désir de réussir uniquement de belles images et d’englober autant les moments de “maîtrise” que ceux qui nous échappent. Champ/hors champ. Sur ce point le contact avec la sensibilité de Fabienne a été bienvenu et productif. » Benoît de Carpentier


Production : livre format 18×24 cm, 124 pages, édité en 70 exemplaires, distribué aux participants, imprimé chez Ott imprimeur/Printot&Ixo, consultable à Stimultania Strasbourg et Givors.


Benoît de Carpentier : Diplômé de l’École Supérieure des Arts Décoratifs (ESAD) de Strasbourg, section peinture en 1989, Benoît de Carpentier est un photographe plasticien. Ses œuvres mêlent réalité et onirisme, parfois introspectives parfois tournées vers l’Autre, souvent philosophiques et
picturales. En 2002 et 2004 il reçoit l’aide à la création de la DRAC Alsace pour des projets autour du paysage, de l’architecture. Il expose régulièrement ses travaux, principalement à Strasbourg et Paris. Il enseigne la photographie et anime des projets photographiques en milieu scolaire du primaire au secondaire.

Fabienne Swiatly : Elle écrit de la poésie, du théâtre, des romans. Elle écrit depuis toujours pour se tenir debout dans un monde qui vacille si souvent. Faire écrire les autres pour qu’à leur tour, ils disent leur monde. Alors elle vient avec ses livres, ses écrits, là où on l’invite. Partager. Dernières parutions : « Boire et plus » , éd. La fosse aux ours. « Elles sont au service », éd. Bruno Doucey.