REVUE DE PRESSE
Exposition produite par l’Agence MYOP.
Soutenue par la DRAC Grand Est, la Région Grand Est et la Ville de Strasbourg.
Back to black est une exposition collective réunissant les vingt membres de l’agence MYOP autour de la pratique du noir et blanc et donnant largement la parole aux photographes. L’exposition a été conçue et montrée pour la première fois à l’occasion de MYOP in Arles 2021, Galerie Henri Comte.
Nous avons vu l’exposition à Arles, cet été 2021, l’été des retrouvailles. Une exposition aux couleurs tamisées, rouge antique et salicorne, ingénieuse avec ses cadres en boîtes de photographies, bavarde et généreuse. Cent photographies noir et blanc, des planches-contact, des tirages originaux, numériques, des photocopies, prises par des héros ubiquistes – les dix neuf membres de l’agence, laquelle, aujourd’hui, en compte vingt – au Timor oriental, au Guatemala, au Chili, en Tchétchénie et aussi à Paris, en Afghanistan, en Géorgie, en Roumanie, au Québec, au Groenland, en Italie… L’Histoire semblait se jouer là, devant nos yeux, dans ces images noir et blanc.
La thématique, proposée par le commissaire, Olivier Monge, permettait de rassembler des photographes aux pratiques diverses. Une invitation, certes, à parler de technique mais aussi, et surtout, de liberté absolue. Car le noir et blanc, ils l’ont gardé pour eux. Il a été intime, instinctif, libre. Ces mots sont ceux des photographes, incités à se raconter dans une exposition qui déborde de sincérité. « Le noir et blanc entretient une relation particulière avec le récit, avec le mythe, avec l’historicité, plus que l’Histoire » explique Jean Larive dans les bandes sons qui viennent augmenter l’exposition à Strasbourg. « Les choses jaillissent en couleur et retombent en noir et blanc. »
Céline Duval
Avec Ed Alcock, Guillaume Binet, Julien Daniel, Agnès Dherbeys, Marie Dorigny, Julie Hascoët, Pierre Hybre, Olivier Jobard, Alain Keler, France Keyser, Oan Kim, Olivier Laban-Mattei, Stéphane Lagoutte, Jean Larive, Ulrich Lebeuf, Pascal Maitre, Olivier Monge, Julien Pebrel, Jeremy Saint-Peyre et Chloé Sharrock
Commissariat : Olivier Monge
Scénographie : Roxane Daumas et Olivier Monge
Coordination MYOP : Guillaume Binet, Antoine Kimmerlin, Stéphane Lagoutte
Tirages piezography : Yonnel Leblanc / Initial Labo
Depuis sa généralisation dans la presse à partir de la fin des années 1980, la photographie en couleur est devenue une norme, renforcée par l’apparition du numérique. Pourtant, nous avons choisi de nous intéresser au « noir » avec une sélection d’images hétéroclites, rassemblées par le lien étroit qu’entretiennent les photographes de MYOP avec cette pratique devenue marginale mais restée essentielle.
Le noir et blanc, par l’indépendance et la liberté de traitement qu’il procure, par la richesse des techniques de tirage, représente un terrain d’expérimentation idéal, souvent très artisanal, souvent solitaire. Le laboratoire est un lieu d’introspection.
Le noir et blanc constitue aussi le creuset de nos références visuelles. Les plus cités sont Josef Koudelka, Walker Evans, Robert Franck, William Klein … Tous en noir et blanc. Dans une agence qui revendique la diversité des écritures, il s’agit d’une culture commune, d’un point de référence, de racines et d’une source d’inspiration contemporaine.
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Des textes qui accompagnent cette exposition se dégage un attachement viscéral à une pratique qui permet tour à tour d’offrir un refuge dans l’intime lors de bouleversements de vie, une réappropriation du médium lorsque la lassitude s’installe, un choix fort et ambitieux sur des sujets que les photographes jugent importants pour eux, une manière personnelle de voir différemment.
De la technique de tirage, il en est aussi question : des vintages, des tirages de presse, des contacts, des procédés anciens jusqu’au jet d’encre en Piezography, la technique permet d’aller au plus près du rendu souhaité par l’auteur.
Ainsi cette exposition ne montre pas les « meilleures » images réalisées par les photographes de MYOP mais celles qui révèlent le plus leurs personnalités, leurs parcours, leurs pratiques. Plus que l’analyse d’une technique, elle présente un portrait en creux d’une agence qui fête joyeusement ses 15 ans dans ses « différences collectives » totalement assumées, comme un manifeste : in fine, l’agence MYOP est constituée de photographes que l’engagement et le choix de vie rassemblent.
La pratique du noir et blanc s’avère être un lien qui permet de le raconter, même pour les plus coloristes d’entre nous.
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Sous forme de témoignages audio, les membres de l’agence MYOP se racontent et partagent ici leur rapport à la pratique de la photographie noir et blanc.
« Ma vision du noir et blanc ? Une grande liberté de moyen et d’interprétation, et souvent un terrain parfait pour l’expérimentation. Le laboratoire est, de plus, un lieu de rencontre personnel avec le médium, d’intimité, d’introspection. Certains auteurs l’utilisent à des moments spécifiques de leur vie : une rupture, une lassitude, le besoin impérieux de produire un sujet très personnel… »
Olivier Monge
« Le noir et blanc, je l’ai gardé pour moi. Je me permettais quelques pas de côté pour réaliser des projets plus personnels. Je prenais congé de l’agence. Je n’avais ni contrainte, ni obligation commerciale. »
Olivier Jobard
« Il fallait travailler en couleur pour les journaux et magazines qui étaient les principaux clients de l’agence, mais j’ai toujours gardé sur le ventre un Leica chargé de film noir et blanc. […] Le noir et blanc survécut ainsi à de nombreuses crises existentielles et professionnelles. »
Alain Keler
« À l’époque, nous nous procurions les chimies et le papier hongrois Forte PW14 dans une boutique totalement anachronique de Chinatown, où la dame aux cheveux violets appliquait systématiquement une ristourne de 5 %. »
Agnès Dherbeys
POUR ALLER PLUS LOIN
L’agence MYOP rassemble vingt auteurs qui confrontent leurs visions de la photographie contemporaine et leurs interrogations sur le monde d’aujourd’hui à travers les histoires qu’ils racontent. Depuis sa création en 2005, la notion de résistance est régulièrement au centre des discussions ; elle s’affirme par la défense d’une photographie documentaire à la subjectivité revendiquée. Le nom de l’agence est un hommage au poème de Paul Éluard « Mes yeux, objets patients / étaient à jamais ouverts / sur l’étendue des mers / où je me noyais ».
L’agence MYOP est constituée des photographes Ed Alcock, Guillaume Binet, Julien Daniel, Agnès Dherbeys, Marie Dorigny, Julie Hascoët, Pierre Hybre, Olivier Jobard, Alain Keler, France Keyser, Oan Kim, Olivier Laban-Mattei, Stéphane Lagoutte, Jean Larive, Ulrich Lebeuf, Pascal Maitre, Olivier Monge, Julien Pebrel, Jeremy Saint-Peyre et Chloé Sharrock.