Une journée d’automne à Givors, tout en nuances de gris. Le Rhône, plein, vu d’en haut, traversé par l’autoroute. Les sons de l’eau, du vent et des voitures qui se mêlent. La ville étalée, multiple. Les étoiles serrées qui s’ouvrent sur le reste du territoire. Le béton et la nature. Le froid dehors, la chaleur trouvée à l’intérieur. Voilà mes premières sensations de la ville. Et une question : où fait-on collectif aujourd’hui à Givors ? L’intuition de l’existence de nombreux îlots de sociabilité, de loisir, d’évasion, de résistance… Je pense aux chants oubliés, passés, des travailleuses de cette ancienne ville ouvrière. Je songe à un court métrage, vu il y a quelques années, dont le nom m’échappe, où la chorale locale des octogénaires se transforme en lieu de résistance face au capitalisme. Enfin, je pense à une chorale féministe qui, en ouvrant la voie, fait bouger des lignes. Qu’en est-il des voix de Givors ? Les chants des anciennes résonnent-ils avec l’époque actuelle ? Quelles histoires portent les choristes au plus profond d’elles-mêmes et quelle(s) actions(s) sont-elles prêtent à mener pour que leurs voix portent au cœur de la ville et même au-delà de ses limites ?
[Amélie Cabocel, décembre 2024]


© Amélie Cabocel, 2025
Une de mes premières impressions de Givors a été de sentir que dans cette ville longtemps façonnée par la lutte, le collectif bouillonne encore, sans doute à des endroits inattendus. Avec mon regard et fidèle à ma manière d’entrer en relation, je m’interroge : comment fait-on collectif aujourd’hui ? Où les personnes s’identifiant comme femmes se retrouvent-elles, s’engagent-elles à Givors ? Je commence par me renseigner sur des lieux partagés (un jardin, une chorale, une salle de sport avec des créneaux réservés aux femmes, etc.) pour comprendre et ouvrir le dialogue. En cherchant en parallèle dans les archives municipales, j’ai trouvé peu de traces de l’histoire des femmes à Givors. Je pense alors mon travail de manière à faire émerger ce qui semble avoir été tenu hors champ. Ensemble, avec les personnes que je rencontre, nous imaginons des photographies. Je réalise leur portrait en argentique, lentement, et j’enregistre leur voix : quel est ton combat aujourd’hui ? Chaque image devient un fragment d’un récit commun, une histoire d’engagements et de liens. Le projet tisse mémoire ouvrière, luttes féministes, et explore dans l’intime ce qui résiste. Ainsi par l’image et les récits, il tente de construire du commun, de transmettre, de faire front.
[Amélie Cabocel, 2025]


© Amélie Cabocel, 2025
Artiste visuelle et réalisatrice, Amélie Cabocel développe une recherche autour de questions liées aux corps et au corps social. Sa démarche se situe à l’intersection entre images fixes, images en mouvement et son. Elle s’appuie sur une approche documentaire proposant d’autres imaginaires et représentations, d’autres possibles, plaçant les récits queer et minoritaires en son centre. Ouvrir des espaces d’expression et de création collective est au cœur de sa pratique.
Son travail est régulièrement publié et diffusé au sein de festivals et d’expositions en France et à l’international (Les Instants vidéo, Marseille ; Dok Leipzig, Leipzig ; Synesthésie, Saint-Denis ; Stimultania, Strasbourg ; Maison de la Photographie Robert Doisneau, Gentilly ; Casa Tres Patios, Medellín ; Alliance française de Polanco, México ; Centro de Arte Contemporaneo, Quito).